Auteur du livre : Ali Benmakhlouf
Titre : „Pourquoi lire les philosophes arabes, L'héritage oublié“
Date de publication : 2015
Édition/ collection/ nombre de pages: édition Albin Michel, 192 pages

Éléments biographiques sur l'auteur:
Ali Benmakhoulf est un académicien français. Il est né le 10 Novembre 1959 à Fez au
Maroc. Il parle plusieurs langues dont l'allemand et sa langue maternelle: l'arabe. Il travaille
dans le domaine de la philosophie islamique et de la philosophie de logique. Ses principales
thématiques sont les œuvres de Frege, Russell et Whitehead ainsi que la philosophie arabe
médiévale. Il a fait ses études à l'Université de la Sorbonne à Paris et à l'Université de Paris
III: Sorbonne Nouvelle. Par ailleurs, il organise des colloques au Maroc dans le cadre de la
convention entre le Collège International de philosophie et la Fondation du Roi Abdul Aziz
pour les sciences humaines et les études islamiques. Il est également président du Comité
consultatif de déontologie et d'étique de l'Institut de recherche pour le développement. Ali
Benmakhoul se sent autant marocain que français, aussi bien qu'il se sent philosophe et
mathématicien. Il est donc difficile de le caractériser clairement. Par exemple, il a cité, un
jour, Betrand Russell: « Nous sommes plus symbolisés par des descriptions définies que par
des noms propres. » ou Lewis Carroll: « Soyez ce que vous voulez paraître. »
Le livre « Pourquoi lire les philosophes arabes » est né d'un projet lié à ses enseignements à
la faculté de Paris. Il pourrait mettre en évidence la transmission de la culture arabemusulmane
mais il se rend compte que les références philosophiques facilement accessibles
sont souvent les références européennes comme Rousseau, Voltaire, Kant ou Hegel. Ali
Benmakhlouf voulait rendre visible cette tradition arabe pour la replacer dans le patrimoine
philosophique.

Résumé:
Ali Benmakhlouf parle dans son livre « Pourquoi lire les philosophes arabes » de l'absence
de la représentation de philosophie arabe médiévale. Il veut mettre en évidence que la
philosophie traditionnelle arabe s'est développée indépendamment de la philosophie
grecque. Aujourd'hui encore on utilise des principes de la vielle philosophie arabe comme
par exemple la distinction entre l'essence et l'existence.
Ali Benmakhlouf ayant publié son premier travail sur le thème de la philosophie logique, il
souhaitait essayer de trouver des ponts entre la philosophie médiévale et contemporaine. Il
voulait construire un grille d’intelligibilité de l'Histoire philosophique entre le VI-VIIème
siècle. Pour ce projet il était nécessaire de mettre entre parenthèse le paradigme cartésien
parce que l'intellect médiéval n'a pas de raison humaine. La grande révolution de Descartes
était un parti pris subjectif de la vérité, un parti pris subjectif de la raison, pour exprimer des
idées émanent d'une raison humaine, or l'intellect médiéval est quelque chose qui se place
au-dessous de l'homme mais l'homme essaye d'y participer à travers ses efforts.
Le but primordial de ce livre est de faire comprendre qu'il y avait une dévalorisation
structurelle de la philosophie arabe qui est allée de pair avec la colonisation, l'exotisme et
l'orientalisme au XIXième siècle. A travers des auteurs comme Ernest Renan, l'idée était de
marquer que la philosophie arabe entre le VIIIème et XVIème siècle était juste une
renaissance de la philosophie grecque.
Ernest Renan avait comme opinion que si on voulait trouver une idée intrinsèque de la
philosophie arabe on devait s'orienter du coté de la foi. « C'est dans les sectes religieuses
sorties de l'islamisme qu'il faut chercher la variété, l'individualité et le vrai génie des
Arabes .»
Ali Benmakhlouf dit que c'est totalement faux. En opposition aux idées de Renan, les
commentaires ne sont pas justes de simples paraphrases des textes anciens mais une
nouvelle création. Les philosophes arabes ont bien étudié les philosophes grecs donc ils ont
fait de nouvelles interprétations et argumentations. Ali Benmakhlouf en donne des
exemples. Parmi ces exemples, Averroès qui commente la poétique d'Aristote. (S. 86)
Aristote parle dans « la poétique » de la tragédie grecque or la tragédie grecque est un objet
complètement inconnu dans la Cordoue du XIIième siècle. Averroès commente alors le
texte en donnant des exemples de gens de son époque. Il dit : le propre de la tragédie c'est
un malheur échoit a quelqu'un sans qu'il soit mérité. Dans le coran nous avons Abraham qui
doit sacrifier son fils et Youssef qui est martyrisé par ses frères. Il a même fait un définition
de la tragédie: un malheur causé par un proche n'est pas mérité. Avec cette interprétation de
« la poétique », il explique le texte pour les gens de son époque et c'est un simple exemple
qu'Ali Benmakhlouf nous donne pour illustrer les philosophes arabes qui ont publié des
textes au contenu très riche et qui font partis d'une plus grande histoire de la recherche de la
vérité. D'ailleurs, Ali Benmakhlouf est impressionné par les philosophes arabes parce qu'ils
sont tout le temps en train de travailler l'osmose entre Platon et Aristote en impliquant le
texte sacré. Un mot clé dans le texte d'Ali Benmakhlouf est le mot: sagesse. Pourquoi?
Parce que pour les philosophes arabes, la sagesse était une stratégie essentielle et pertinente
pour introduire la philosophie au contexte médiévale. Ils ont placé la philosophie en
synonyme à la sagesse parce que la sagesse parle à ceux qui ont lu le Coran, puisque dans le
Coran il est dit que Dieu a fait tomber le livre sacré et la sagesse. Alors il ont pris le mot
sagesse pour le développer autant que la philosophie. La sagesse dont ils parleront est une
sagesse argumentative. Il s'agit d'un jeu de questions/réponses où on y attend toujours une
validation, c'était le cas de la réponse de Averroès à la poétique de Aristote. Enfin Ali
Benmakhlouf nous explique qu'aucun individu ou culture ne peut atteindre seul la vérité. La
vérité doit s'inscrire dans une histoire où les cultures sont que des moments. Il cite Averroès:
« Supposer que la validation des savoirs anciens devient un élément incorporé aux nouveaux
savoirs tel qu'il est promu par les philosophes. »
Citations des passages les plus pertinents du livre selon vous:
„ Elle (la philosophie arabe) s'est même constituée de façon explicite comme une
philosophie héritière de la tradition païenne grecque mais elle a cherché sa justification dans
ce qu'il est convenu d'appeler „la loi divine, charia: distinction est donc faite entre la
théologie et la religion.“ p.9
Puisque nous évoquons la religion, il est à noter que la philosophie a été introduite dans le
monde musulman sous couvert de „la sagesse“ p.16
C'est dans cette perspective que l'on peut lire chez chacun de ces philosophes un
engagement en vérité“, selon les mots de Michel Foucault. p.11
Il y a un stéréotype qui consiste à présenter d'une part la philosophie arabe développée par
des penseurs musulmans, comme une pâle copie de la philosophie grecque et d'autre part la
charia, la loi divine, comme un élément spécifique de la culture arabo-musulman: „ C'est
dans les sectes religieuses sorties de l'islamisme qu'il faut chercher la variété l'individualité
et le vrai génie des Arabes“, avait proclamé au XIXième siècle Ernest Renan. p.18
Ce stéréotype revient à penser que la charia, conçue comme spécifique est anhistorique, et
que la philosophie arabe, vue comme imitative, n'a servi que relais à la philosophie grecque
pour passer d'Athènes à Paris, puis Oxford et Padoue“ p.18
L'idée d'une charia qui serait non seulement une loi,mais aussi comme l'indique son
étymologie, une voie, une route ( de Shari, „avenue“) trouve dans ces mondes son
expression. p.55
En mettant en avant la recherche de la vérité, Al-Kindi évite de dogmatiser: il n'a pas une
vérité à défendre, mais il entend défendre la disposition à rechercher. p.69
C'est là que toutes les ressources de l'intellect sont mobilisées: il faut justifier que l'on peut
étudier et commenter Aristote selon lequel le monde est éternel sans être accusé d’être
mécréant. p.71

Critique :
Pour moi il est important de repenser les manières de penser conventionnelles. Il est
toujours important d'attirer l'attention sur le devenir culturel d'une science. Cela invoque que
le statu-quo n'est jamais invariable et toujours en devenir dans l'Histoire. Avec le
développement de la recherche scientifique du genre, la recherche scientifique post-colonial
et l'orientalisme dans les années 1980, l'idée d'une contingence a eu conjoncture, à la place
de se retrouver devant le fait social. Il est évident qu'Ali Benmaklouf est un philosophe
contemporain et il a été beaucoup influencé par des post-structuralistes comme Michel
Foucault. En conséquence on peut bien voir qu'Ali Benmakhlouf a une manière de travailler
contemporaine ou bien post-structuraliste. Je ne connais personne qui ai travaillé la
philosophie et l'orientalisme en même temps et le travail d'Ali Benmakhlouf est pour moi
personnellement très enrichissant.
Je perçois l’œuvre d'Ali Benmaklouf comme un enrichissement au travail d'orientalisme des
années 1980 de Eward Said ou Suzanne L. Marchand. Son livre nous ouvre au savoir que la
philosophie européenne utilise un savoir eurocentriste et ce savoir a en fait dégradé le savoir
des philosophes arabes. Pour moi ce livre a dévoilé et mis au clair l'Histoire de la
philosophie.
Ali Benmakhlouf m'a donné un point d'entrée dans ce monde qui jusqu'à présent m'était
pratiquement inconnu. Son livre est un excellent ouvrage, parfois un peu complexe, en
particulier pour moi qui ne suis pas francophone, j'ai eu souvent des soucis de
compréhension et parfois ce livre est m'a paru un peu redondant, mais finalement on y
apprend beaucoup de choses et on y est souvent surpris.
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